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Les élections Japonaises de l’automne 2021: un triomphe déconnecté du Parti Libéral Démocrate

  • laurademeulenaere
  • 24 févr. 2022
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 sept. 2022


Gare de Shinjuku, dans l'hypercentre de Tokyo, février 2021


Dans une actualité internationale riche en tensions, le Japon fait souvent figure de grand oublié sur la scène asiatique. Deux mois plus tard, et alors que le pays s’est joint aux États-Unis dans la stratégie du « boycott diplomatique » aux Jeux Olympiques d’Hiver de Pékin, retour sur l’élection de la diète Japonaise et la nomination de Fumio Kishida.


Le 31 octobre 2021, le parti Libéral Démocrate a remporté les élections législatives japonaises, en conservant une large majorité de 276 sièges sur les 465 que compte la chambre basse malgré un mince recul de 15 sièges. Le premier ministre Fumio Kishida a annoncé avec enthousiasme cette victoire, et s’est réjoui du soutient populaire à son gouvernement, chargé de « dessiner l’avenir du Japon ». C’est sans compter les 44.21% d’abstention dans cette élection, qui ne fait que renouveler une mainmise du PLD sur le pouvoir politique vieille de près de 60 ans. Les diverses annonces récentes du nouveau gouvernement japonais sur ses engagements climatiques à la COP26 et l’accroissement du budget de la défense semblent se placer dans la droite lignée des gouvernements Suga et Abe l’ayant précédé. Un mois après ces élections, Taishan vous propose de revenir sur un scrutin sans surprises et sur ce qu’il raconte sur la vie politique et démocratique nippone.


Pour prendre la mesure du scrutin du 31 octobre, il s’agit déjà de revenir sur une autre date qui l’a précédée : le 29 septembre. Ce jour-là, Fumio Kishida est élu à la présidence du PLD, grâce au soutien des cadres et des barons du parti, qui le voient comme plus malléable que son rival Taro Kono, pourtant nettement plus populaire auprès des japonais et des adhérents du PLD. L’élection à la tête du parti est un préalable à la nomination au poste de premier ministre par les députés, dans une situation où le PLD et son allié le parti Komei détiennent la majorité au Parlement, et où Yoshihide Suga, alors encore premier ministre, a annoncé fin Août qu’il ne se représenterait pas à la tête du parti.


L’ex-premier ministre Shinzo Abe a manœuvré en coulisses pour que Kishida l’emporte, avec l’aide d’une partie des barons du parti. Fumio Kishida, considéré comme un modéré au sein du PLD, a fait campagne sur les thèmes d’un « nouveau capitalisme japonais » fondé sur la croissance et la redistribution, afin de relancer l’économie nationale. Il porte également la proposition d’un plan relance de 77 milliards d’euros sensé accélérer la reprise de l’économie japonais et porté sur les innovations. Ces propositions cherchent alors à faire oublier le désastreux bilan politique de la gestion de l’épidémie par le gouvernement Suga. Lorsque Yoshihide Suga démissionne le 4 octobre, Fumio Kishida est appelé par le parlement sous contrôle du PLD à former un nouveau gouvernement.


Ce premier gouvernement Kishida montre cependant la marge de manœuvre extrêmement limitée d’un premier ministre qui doit son élection à Shinzo Abe et à ses proches, comme Taro Aso, ancien ministre de l’économie et vice-premier ministre de Abe, qui a notamment placé un de ses lieutenants au ministère des finances. Dans l’ensemble, le 100e gouvernement du Japon semble plus être avant tout une incarnation des rapports de pouvoir au sein du PLD. Le clan Abe a su y asseoir son autorité face aux progressistes comme Seiko Noda, nommée au ministère pour la redynamisation de la société et l’égalité des sexes, mais qui a concrètement très peu d’influence au sein du nouveau gouvernement. Durant la campagne pour sa présidence, les candidats du PLD n’ont cessé de réaffirmer l’importance la place des femmes en politique et au sein de la société. Mais dans les faits, le gouvernement Kishida ne compte que trois femmes pour dix-huit hommes, pour la plupart cadres du PLD et souvent héritier de dynasties politiques à l’image de M. Abe. Les frange la plus conservatrice et réactionnaire du PLD est également représentée avec Hirokazu Matsuno, connu pour son négationnisme des crimes de guerre commis par l’armée Japonaise durant la seconde guerre mondiale. Le nouveau premier ministre Kishida, réputé pour son sérieux mais peu charismatique semble ainsi dirigé avant tout par les intérêts politiciens de son parti, et peu en phase avec les préoccupations des Japonais.


L’élection du 31 octobre présentait ainsi un véritable risque pour le PLD. La sensible amélioration de la situation épidémique avait guidé le choix d’une élection fin octobre par le gouvernement, mais le décalage criant entre les préoccupations de la population et le discours gouvernemental laissait planner l’incertitude sur le sort du PLD dans le scrutin. Certains médias locaux allaient jusqu’à évoquer en octobre la possibilité d’une défaite du PLD qui aurait ouvert la voie à une alternance politique inédite.


Et pourtant, le 31 octobre au soir, le PLD parvient à se maintenir à la Chambre Basse en perdant seulement une quinzaine de sièges. C’est un maigre prix à payer pour solder l’impopularité record (moins de 30% d’opinions favorables) du gouvernement Suga, ses atermoiements sur la gestion de la crise sanitaire et son soutien aux très impopulaires Jeux Olympiques de Tokyo. Ce déficit de popularité du parti n’aura pas suffi à miner l’ancrage local très fort du PLD, verrouillé par des décennies de contrôle du pouvoir. Les candidates et candidats Libéraux-Démocrates au niveau local bénéficient tous de l’important soutien de la machine électorale du PLD, ainsi que d’une certaine « force de l’habitude ». Le vote PLD est dans beaucoup de famille une véritable tradition, d’autant que des liens forts existent entre les élus locaux et les comités de voisinage, institutions du quotidien très importantes au Japon.


Et dans un contexte d’insécurité géopolitique grandissante face à la montée des tensions avec la Chine et à la menace de la Corée du Nord, le PLD nationaliste et partisan de l’augmentation du budget de la défense fait figure de garant de la stabilité du pays. Enfin, la faiblesse de l’opposition incarnée par le Parti Démocrate Constitutionnel (centre gauche), qui s’était pourtant allié de manière inédite avec d’autres partis d’opposition dans plusieurs circonscriptions, a permis au PLD de limiter ses pertes.


Cependant, avec un taux de participation toujours très bas (55,97%), cette élection continue de montrer le désinvestissement démocratique du pays. Tout particulièrement, le très faible engagement de la jeunesse en politique est à l’image d’une société japonaise parfois qualifiée de « gérontocratie ».


Interrogé en Novembre au sujet du nouveau premier ministre, un étudiant de l’université d’Osaka résumait ainsi la situation :


« On a changé trois fois de premier ministre en deux ans, et Kishida personne ne le connaît. Il est sans doute meilleur que Suga, et peut-être qu’il sera bon, peut-être qu’il sera mauvais. Dans tous les cas ça reste un vieil homme. »


Pierre Vigneron, étudiant à Sciences Po Lille en master Stratégie, Intelligence économique et Gestion des Risques (SIGR)


 
 
 

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